Lemmy Caution est un personnage créé par l’auteur de roman policier britannique Peter Cheyney (1896-1951). Dix romans (on ne parle pas des nouvelles) qui ont fait la notoriété d’un comédien. Eddy Constantine endossa, avec détachement et humour, six fois le costume d’agent secret ainsi que pour trois scénarios originaux dont l’indispensable Alphaville film de Jean-Luc Godard. Lemmy Caution est aujourd’hui, reconnaissons-le, un peu passé aux oubliettes. Il ne fait plus rêver les samedis soirs. Lemmy Caution : personnage américain créé par un auteur anglais. Il est à la fois (selon les scénarios) au FBI ou à la CIA et donne sans vergogne ses ordre à la PJ. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance, tout comme ses péripéties d’espion teintées d’une énigme policière prétexte aux coups de poing et au déhanchement des filles. Cinéma vintage. Cinéma des années 50. Films archaïques, certains écriront archéologiques, tellement ils se fondent dans cette période de l’après-guerre où l’on rêve de voitures américaines et d’alcool qui coule à flot dans le cinéma français. Lemmy Caution voit le jour dans le roman Cet homme est dangereux en 1936 avec cette particularité littéraire qui va tout de suite séduire le public : le héros parle le slang américain (une forme d’argo spécifique). Le succès est au rendez-vous et le personnage qui n’a pas encore les traits d’Eddy Constantine se propulse en tête des ventes. Un succès littéraire qui permet à Peter Cheyney de quitter son boulot de flic pour celui d’auteur. Il faudra attendre 1945 et la création en France d’une jeune collection « La série noire » créée par Marcel Duhamel pour que l’on découvre les premières aventures de Lemmy Caution : La môme Vert-de-gris et Cet homme est dangereux qui honorent les deux premiers numéros de la collection. L’aventure se continuera au cinéma avec ces films qui n’ont d’autres prétentions que de raconter une histoire. Et c’est déjà beaucoup. Un cinéma qui vogue entre les guerres d’Indochine et d’Algérie. Un cinéma du samedi soir qui a vocation de distraire. Il le sait, Eddy Constantine qui ne prend pas son personnage au sérieux, pas plus que sa carrière de comédien d’ailleurs. Il préfère, et de beaucoup, l’ambiance de ses boîtes enfumées dans lesquelles il faisait ses tournées comme chanteur. Crooner désinvolte au ton suave. Un Lemmy Caution qui ne le quitte pas tout à fait. L’osmose d’un personnage monolithe convient parfaitement à Eddy Constantine. Il ne demande rien de plus à Lemmy que de lui ressembler. On n’imagine personne d’autre. D’ailleurs on ne cherche pas. L’empreinte est là, tout comme les scénarios sur mesure pour ne pas surprendre le comédien. Le moule d’un cinéma qui fait de ses séries B des pépites à redécouvrir. Le cinéma de l’artisanat, de la débrouille. Il y a comme un clin d’œil à Mocky. La valeur s’inscrit dans le plaisir du samedi soir. De ce moment intense où le rideau peint, avec ces réclames du coin de rue s’affichant fièrement, se lève. L’écran est là et le spectateur fébrile attend en se retournant de voir le faisceaux lumineux du projecteur traverser la salle. L’heure du rendez-vous avec Lemmy Caution a sonné !