1912, Affiche du film d’Albert Capellani
Victor Hugo reste l’auteur le plus adapté au cinéma et à la télévision avec Alexandre Dumas. Les Misérables et dans une moindre mesure Notre-Dame de Paris sont deux œuvres qui font encore les beaux jours de l’adaptation théâtrale et particulièrement la comédie musicale : Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon et Richard Cocciante et les Misérables, la fabuleuse aventure du compositeur Michel Schönberg et des paroliers Alain Boublil et Jean-Marc Natel. Sur la scène londonienne depuis 1985 ! Les Misérables, le roman de Victor Hugo, garde cette empreinte sociale dans laquelle tout le monde (enfin presque) se reconnaît lorsque l’on croise « La liberté guidant le peuple » de Delacroix. Scène de barricade sur laquelle les futurs protagonistes des Misérables sont présents. Il en manque un. Jean Valjean alors dans les égouts de Paris. Sur son dos de forçat, Marius, l’amant de Causette, qu’il sauve d’une barricade que les royalistes investissent alors que Gavroche meurt en chantant. Jean Valjean est un bagnard qui façonne sa personnalité dans la représentation indivisible de la Liberté. 1830, quarante ans après la Révolution et tout est à refaire. Jean Valjean se construit au-delà des méandres de l’Histoire. Victor Hugo en a fait un personnage suffisamment puissant (force physique, mental mais aussi sa fragilité) pour symboliser l’idéal à reconstruire. Le citoyen dans toute son ambivalence. A la grande différence de Vidocq, son aîné, qui deviendra premier flic de France au service de l’Empire, Jean Valjean restera dans la traque d’un Javert. La liberté a un prix et ce prix ne s’inscrit pas forcément sur le fronton des administrations, même s’il est important de le lire en toutes lettres. Elle ne se partage pas. Trente-cinq films ont été réalisés entièrement ou partiellement à partir de l’œuvre de Victor Hugo. Dont neuf consacrés à Jean Valjean. Personnages interprétés par Harry Baur, Jean-Paul Belmondo, Gérard Depardieu, Jean Gabin, Lino Ventura pour les principaux. Reste l’autre personnage, politique celui-là : l’emblématique Révolution de 1830. Tout le roman converge vers les barricades. Le souffle révolutionnaire embrase les énergies. Les Américains et les Italiens ne s’y sont pas trompés, ils sont aussi au rendez-vous. Les Japonais également, adaptant le roman à la sauce nippone. Dans un film de 1938, l’insurrection devient une affaire de samouraïs, et dans une version vietnamienne de 1989 l’évêque Muriel est remplacé par un bonze et Jean Valjean y vole une soupe (plat traditionnel) au lieu du pain. Au fond, peu importe l’adaptation, l’esprit universel reste collé au cheminement d’un homme qui dans son périple va traverser l’histoire. Sans être le révélateur, il reste la détermination dans son indivisibilité. Les changements d’identité le font passer par les différents prismes sociaux. Jean Valjean incarne « Les Misérables ». La détresse comme sentiment de fraternité. Que peuvent comprendre ceux de « La Haute, de cette égalité dans la misère ? ». Ils s’indignent poliment et passe à autre chose. Jean Valjean ferré, traîne les chaines du bagne bien au-delà des dernières pages du roman. Il nous entraîne dans la violence des révoltés. Ils sont nombreux aujourd’hui à s’appeler Jean Valjean et à lutter contre Javert, contre les Ténardiers, à monter des barricades devant les usines, à occuper des ronds-points… Ils sont Les Misérables marchant au même rythme que l’Évêque de Digne, le Petit Gervais, Fauchelevent, Champmathieu, mais aussi Cosette, Fantine, Marius, Enjoiras et Gavroche… C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau. Ceux-là luttent pour que le monde soit partagé. A noter la taxe Jean Valjean (eh oui) proposée par le comédien Vincent Lindon concernant les patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros et soutenue par une vingtaine de parlementaires. Déjà lettre morte ! Alors n’ayons pas peur de relire Victor Hugo. Aussi misérables qu’ils soient, ils offrent l’espoir.