L’une des trois bandes annonce du film
Avouez qu’elle a de la gueule. Inspirée d’une œuvre du peintre Edward Hopper, House by the railroad (1925), la bâtisse surplombe encore aujourd’hui les studios Universal (Hollywood). La solitude lui va à merveille. Voilà soixante ans qu’elle interroge. Qui ose encore pénétrer dans cette maison, et sentir dans un frémissement couler une perle de sueur aux creux des reins ? L’hésitation est de mise. Et pourtant cette frayeur en héritage aurait pu ne jamais exister et donc priver le public d’une des scènes de cinéma les plus abouties psychologiquement. Une manipulation de la peur qui vous impose, encore aujourd’hui de pénétrer dans votre douche à reculons. Vous avez en tête la musique stridente de Bernard Hermann. Allez-vous tirer violemment le rideau de douche sur votre nudité ? On l’aura bien compris, la peur est cinématographique et Alfred Hitchcock l’a portée au sommet de son art. En 1960 sortait Psychose.
Le 47e film d’Alfred Hitchcock aurait dû être No Bail for the judge avec Audrey Hepburn. Le projet fut abandonné pour d’obscures raisons. Hitch se retourna alors vers Robert Bloch, auteur du roman Psychose et demanda à Joseph Stefano de l’adapter. Film qui rapporta plus de quarante fois sa mise de fond. Un ballon d’oxygène pour ce brave Alfred Hitchcock qui avait dû hypothéquer sa maison pour le financement d’un film qu’aucun studio ne voulait. La performance d’Anthony Perkins n’est pas étrangère au succès, pas plus d’ailleurs que le motel construit sur les hauteurs des studios, sans parler de la musique dont on retrouvera le tempo dans Les Oiseaux (1963). Psychose, film d’horreur et de suspens est une réalisation difficilement envisageable aujourd’hui. La raison en est simple, l’impossibilité d’œuvrer dans cette économie qui rappelle les films de la Hammer. Toute la force du film réside dans un choix minimaliste. Peut-être est-ce dû à l’équipe restreinte, collaborateurs télé de sa série « Hitchcock Présente« . Le travail au plus près du jeu des acteurs (comme la série) nous faisant oublier les décors sobres presque neutres. Imposant aux spectateurs une attention unique, un partage dramaturgique sur grand écran. L’intensité des plans, leurs cadrages télévisuels, imposaient une approche familière aux spectateurs. Un choix autant audacieux que payant. Écriture filmique entamée dans Le Crime était presque parfait (1954 ) sauf qu’ici les plans serrés servaient pour le rendu en relief. Ne pas oublier que le film avait été réalisé pour être regardé avec des lunettes spécifiques. Par ailleurs, le coup génial de Hitch, qui fit hurler les producteurs, a été un détournement de notoriété. Engager Janet Leigh (La soif du mal d’Orson Welles), star aux mille facettes pour endosser le rôle de Marion Crane, un personnage « éphémère » pour une interprète de ce calibre. Tuer une star aussi vite dans un film, cela ne s’était jamais vu. La scène de la douche, d’une durée de 45 secondes, restera à jamais l’empreinte du maître sur sa comédienne. La puissance évocatrice du meurtre aura raison de la carrière de la comédienne. Ce moment si particulier est parfaitement analysé dans Hitchcock, de Sacha Gervasi (2012). Hitch a longtemps hésité sur un point : la fin. Devait-il expliquer ou non les motivations de Norman Bates ? Il semblerait que le réalisateur de La mort aux Trousses (son précédent film) ait été convaincu par son scénariste Joseph Stefano pour ajouter l’intervention du personnage d’un psychiatre. Scène explicative trop longue… Reconnu Hitch lui-même qui aurait préféré terminer le film directement sur le cadavre de la mère en décomposition. Ce film catalogua Alfred Hitchcock, Maitre du suspens. Il s’en servit avec malice pour la promotion du film avec cette phrase accolée aux affiches et aux portes des cinémas » Personne… Absolument personne, ne pourra pénétrer dans la salle après le début du film » pimentant ainsi la curiosité de tous. C’est aussi cela le cinéma !