Sous le signe du Dragon

Le délit de démocratie est puni par la loi. Hong Kong vient de se faire vampiriser par Pékin sous la réprobation polie de l’Europe. C’en est fini des délires occidentaux. Plus question de spécificités qui puissent nuire à l’Empire du Milieu. Par ici la monnaie. Hong Kong rend son tablier bien avant la date négociée par les Britanniques lors de leur départ de la péninsule en 1997. La date retenue pour l’intégration était 2047. Cinquante ans, deux générations. Une période suffisamment longue pour un passage en douceur sous l’autorité de Pékin. Il en aura été décidé autrement. La détermination des hongkongais n’y est pas étrangère. A fleur de liberté, la ville a tenu tête. Une résistance soutenue de loin par les Occidentaux. Images à l’appui. Un statu-quo en équilibre. Le Coronavirus aura eu raison de l’espérance démocratique. Quand sera-t-il demain au lever du soleil ? Qui se soucie de Hong Kong, sinon la Bourse et les fantômes ! Pour survivre, l’imaginaire reste le meilleur des carburants. Et le cinéma redonne parfois espoir. Ne serait-ce pas un signe de résistance que de revoir ces films des années 60 qui ont submergé la cinématographie mondiale. Il faudra cinq films en tout et pour tout, pour que Bruce Lee s’impose à jamais. Même si on a pu le croiser dans une série (Le Frelon vert) comme chauffeur masqué, c’est Hong Kong qui fera de lui le Maitre du cinéma des arts martiaux. Le Petit Dragon deviendra l’idole du combat à mains nues et à la parole rare. le Kung Fu submergera les continents comme un typhon de force 8. Bruce Lee s’enorgueillera d’être l’égal de James Dean.  Un cinéma original était entrain de naître, non pour ses scénarios mais grâce à ses combats chorégraphiés comme un ballet. Tracé sur le papier à la manière des notations de Laban, on remettra le combat en jeu autant de fois qu’il le faudra. Le hasard n’existe pas. Le corps devient langage à l’égal de celui du danseur. Si les films de Bruce Lee restent inégaux, reconnaissons que pour beaucoup ils ont le souffle décomplexé d’un cinéma qui assume sa violence en liberté. Une génération se reconnaissait dans ses combats titanesques, elle qui recevait en pleine face la première vague du chômage. Les Trente glorieuses étaient derrière nous et la certitude du monde s’effilochait. Dans les années 70, il fallait au moins avoir un Bruce Lee dans sa vidéothèque. Une cassette piratée de préférence. Il y a chez les artistes bien autre chose que le simple fait d’être en représentation. Tout comme James Dean vingt ans plutôt, Bruce Lee meurt avec l’éternité en lui. Symbole sans partage, il est ce fantôme qui hante sans le savoir la Chine du président Xi Jinping. Longue vie à Hong Kong !