Une coupe de Champagne

Deux films au titre identique (en France) nous envoûtent avec la même grâce. Leo McCarey (1898-1969) signe, à 18 ans d’intervalle, deux chefs-d’œuvre, une rareté pour Hollywood. Celui qui donna la notoriété méritée à Laurel et Hardy, aurait-il puisé cet effet miroir dans une des plus célèbres scènes de La Soupe aux Canards avec les Marx Brothers qu’il réalisa en 1933, reprenant le numéro tourné par Max Linder en 1921 dans 7 ans de malheur (1) ?  Un effet en quelques sorte où les protagonistes essaie d’être le reflet de l’autre de chaque côté d’un miroir brisé. Ce gag hérité des arts du cirque mérite d’attirer notre attention. Non pour l’exercice comique de la situation mais pour le sentiment qu’il en dégage. Comment deux films avec un scénario pratiquement identique gardent cette même force émotive ? Soulignons le paradoxe cinématographique, celui d’un remake en tout point réussi (rare). Peut-être justement parce que le couple de stars de Love Affair en 1939, Irene Dunne et Charles Boyer et celui de An Affair to Remenber en 1957, Deborah Kerr et Cary Grant possèdent la même intensité dramatique, La même puissance charismatique. Une affaire de coeur avec le public à ne pas en douter. Et les spectateurs ne s’y sont pas trompés. C’est la version de 1939, qui ici, nous fait de l’œil. Les laboratoires de Lobster ont offert une cure de jouvence à un film fatigué et balloté qui se morfondait sur les étages de l’histoire depuis un demi-siècle. Il faudra la persévérance de Serge Bromberg (2) pour redonner sa majesté à un film qui rappelle l’éclat des projections de 1939, date de sortie de la première version. Un noir et blanc contrasté avec soin, offrant une gamme de gris en volume. Redécouvrir par cette restauration soignée le travail d’un des plus grand directeur de la photographie d’Hollywood qu’était Rudolph Maté (Correspond 17 d’Alfred Hitchcock, To Be or not To Be d’Ernest Lubitsch ou encore La Dame de Shanghaï d’Orson Welles). Revoir aujourd’hui ce film fait se plonger dans la grande époque des studios. Un délice. Love Affair est devenu une référence qui puise dans l’intemporalité. Le romantisme amoureux et l’espoir contrarié entre un homme et une femme. Michel, un Français désœuvré embarque sur un paquebot en direction de New York afin d’y rejoindre sa future épouse. Pendant la traversée, il croise Terry McKay, une chanteuse de cabaret sur le point de rejoindre son riche fiancé. Les deux tombent follement amoureux l’un de l’autre. Prudents, ils décident de mettre leur amour à l’épreuve et de se donner rendez-vous six mois plus tard, au 102e étage de l’Empire State Building. « N’est pas ce qu’il y a de plus proche du paradis à New-York ? » Le reste : une affaire de destin ! Charles Boyer et Irene Dunne, fous d’amour l’un pour l’autre. Cela suffit à construire un mythe. Une matrice cinématographique qui fera référence. Découvrir le film de Leo McCarey dans toute sa splendeur redonne goût au cinéma et aux salles obscures. En attendant leur réouverture voilà un cadeau à mettre sous tous les sapins !
 
(1) Découvrir également chez Lobster Max Linder, les long métrages américains
(2) Une restauration réalisée entre Lobster Films, le MoMa de New York et Blackhawk Films